Ce dangereux angélisme de la presse consensuelle

« Gens du voyage, la tentation de l’amalgame ».

C’est le titre de l’éditorial du Monde du 30 juillet 2010 après les incidents des 16 et 17 juillet à Saint-Aignan dans le Loir-et-Cher. Après une course poursuite, un membre des gens du voyage ayant été tué par un gendarme, une partie de la communauté a pris d’assaut la gendarmerie.

M. Eric Fottorino écrit « qu’il ne faut pas imputer aux gens du voyage la faute d’un des leurs. D’habitude plutôt cohérent dans ses analyses de géopolitique, l’éditorialiste semble totalement ignorer les problèmes que posent les « gens du voyage » à la population et aux municipalités, qu’elles soient de droite ou de gauche.

Il a comme la plupart de ses confrères une vue bien parisienne des choses ; où sont les espaces réservés aux  gens du voyage  à Paris ? Les Parisiens aisés ne regardent pas plus loin que leur boulevard de ceinture. Qu’ils ne désespèrent pas, ça va venir. Déjà sous les  périphériques des bidonvilles s’installent. Chaque jour des Roms et autres déshérités affluent des pays de l’Est dont les gouvernements facilitent leur émigration.

M. Fottorino précise bien qu’« en matière de sécurité, l’angélisme est de mauvais aloi », mais paradoxalement, c’est justement ce dont il fait preuve.

Il est facile de pondre des lois démagogiques pour obliger les communes à aménager des « aires d’accueil ». Mais elles n’ont pas toutes les moyens de le faire. Manque de terrain, coût des installations, opposition des riverains et des commerçants.

Pourquoi ces oppositions ? Racisme, xénophobie ? C’est si facile à dire pour évacuer les questions embarrassantes.

À l’approche de la période estivale, des cohortes de gens du voyage se précipitent sur la Côte, sous des prétextes de pèlerinage et autres rassemblements traditionnels. S’ils ne trouvent pas d’espaces réservés, si ces terrains sont déjà occupés où s’ils ne leurs conviennent pas, ils forcent les grilles, même les plus résistantes, déplacent des pierres de plusieurs tonnes et s’installent. Ainsi à La Londe les Maures, dans le Var, l’ancienne usine de torpilles, sept hectares en bord de mer, appartenant à la DCNS (Direction des constructions navales) a été squattée par plus de mille Roms. Ils vont y passer l’été, sans que les Pouvoirs publics ne réagissent.

En revanche le citoyen lambda qui veut passer des vacances sur la Côte doit réserver sa place dans un camping longtemps à l’avance et payer le prix fort. Pourquoi deux poids deux mesures ; où est la discrimination ? Et si les vacanciers s’organisaient en association de gens du voyage sous un prétexte quelconque, par exemple la « Communauté se Saint Duchmol », quelle serait alors l’attitude des pouvoirs publics ?

Lorsque les gens du voyage squattent des terrains privés ou publics, ils détournent les canalisations d’eau, détériorent les lampadaires en se branchant dessus, avec tous les risques que l’on peut imaginer. Ce ne sont pas des fantasmes, Monsieur Fottorino, c’est ce que retransmet la presse régionale régulièrement. Mais bien sûr vous n’avez pas le temps de la lire. Les maires qui réclament les forces de l’ordre pour évacuer les squatteurs se heurtent à l’inertie des préfectures.

De plus en plus de marchands de matériaux se plaignent du vol de métaux en grande quantité, la SNCF et l’Edf déplorent de plus en plus de vols de câbles de cuivre, avec tout ce que cela entraîne comme complications, retards, dépannages etc.

Le plus souvent les enquêtes débouchent sur les gens du voyage. Il suffit de lire les comptes-rendus d’audience des tribunaux !

Certes les problèmes posés par les gens du voyage sont complexes et divers et il ne s’agit pas de mettre toutes les communautés dans le même sac.  Mais l’amalgame dont parle M. Fottorino et la xénophobie ne cesseront de croître tant que l’on continuera de mépriser les victimes.

Enfin, M. Brice Hortefeux évoquant « la cylindrée de certains véhicules qui traînent des caravanes », n’ouvre pas ainsi « la boîte à fantasme et à préjugés », c’est justement la question que depuis bien longtemps toutes les personnes de bon sens se posent, en toute innocence, en s’étonnant que les Pouvoirs publics ne s’en préoccupent pas.

Cela n’empêche pas de reconnaître, bien sûr, que M. Sarkozy a beaucoup promis pour lutter contre l’insécurité et la délinquance et que son bilan est à l’évidence très négatif.

Annaba, auteur de « Journal incorrect ».